S’il n’est pas aisé d’imaginer le milieu de la recherche dans un avenir aussi lointain que 150 ans, au vu des changements dans le monde scientifique canadien au cours des 150 dernières années, on peut toutefois être sûr que le numérique va continuer de provoquer un réagencement majeur des dispositifs de production et de diffusion de la connaissance et des contenus en sciences humaines.

Alors que la tradition documentaire avait privilégié historiquement la stabilité, insistant sur la fixité, la permanence et l’intégrité des contenus, le Web a remis l’accent sur le flux, la dynamique des échanges et la mutabilité des contenus [1]1Boston, Faber and Faber
The Gutenberg Elegies: The Fate of Heading in an Electronic Age, Faber and Faber
1994
 [2]2New York, New York University Press
Planned Obsolescence: Publishing, Technology, and the Future of the Academy
2009
 [3]3in Où va le livre?, Paris, La Dispute
Un monde sans auteurs?
.

C’est cette nouvelle forme d’émergence de la connaissance qui va être un environnement-support qui reconfigure la façon dont la recherche est produite, est mise en forme et circule dans les communautés scientifiques.

Étudiants et enseignants au travail, à la bibliothèque de l’école secondaire Laurentian, Ottawa, Ontario. Photo: Chris Lund, 1959. Source : Bibliothèque et Archives Canada.

Prenons l’exemple des revues scientifiques, Marcello Vitali-Rosati souligne bien comment elles doivent créer « les conditions de la production du savoir en produisant des territoires où les communautés peuvent converser » [4]4The Conversation
Qu’est-ce qu’une revue scientifique? Et… qu’est-ce qu’elle devrait être?
21 mai 2017
. Mais on peut aller plus loin et dire que c’est toute la chaîne de diffusion qui sera transformée dans les années à venir, avec des changements culturels déterminés par les technologies.

Il faudra par conséquent s’interroger plus particulièrement sur l’impact qu’a le numérique sur les processus conceptuels. En quoi cela change-t-il notre façon de voir, de concevoir et de comprendre le monde ?

Il sera plus pertinent à l’avenir de parler d’éditorialisation, à savoir, pour reprendre la définition de Marcello Vitali-Rosati : «l’ensemble des dispositifs qui permettent la structuration et la circulation du savoir» [5]5Sens public
Qu’est-ce que l’éditorialisation?
18 mars 2016
. L’éditorialisation désigne donc ce nouveau processus qui fait interagir des contenus, un environnement technique, des structures et des formats avec des pratiques – par exemple, les commentaires ou les recommandations via les réseaux sociaux.

Réfléchir aux formes d’éditorialisation des contenus est loin d’être un enjeu purement pratique. Cela demande en amont un travail théorique approfondi, qui doit constamment rester en contact avec une pratique en aval.

Le numérique se positionne aujourd’hui, cela ne fait plus de doute, comme un langage universel. Il représente, traduit, exprime la presque totalité des activités humaines [6]6Paris, Seuil
Pour un humanisme numérique
2011
.
 Avant toute autre langue, nous parlons, et partageons, le numérique. Comment ce prisme nouveau affectera-t-il encore plus nos cartes mentales et cognitives ?