Pouvez-vous expliquer ce qui a motivé la revue à passer au libre accès ?

Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce changement. Premièrement, nombre de nos lecteurs sont issus des milieux de la pratique (police, organismes communautaires, etc.) et ne disposaient donc pas d’un abonnement pour consulter nos derniers numéros, alors même que nos numéros et nos thématiques sont pensés en fonction de ce lectorat.

Deuxièmement, l’aspect thématique du numéro fait en sorte que la revue sollicite à chaque sortie de numéro de nouveaux lecteurs, intéressés – précisément – par cette thématique. Le fait que les numéros les plus récents soient réservés aux abonnés limitait l’impact potentiel de nos stratégies de promotion.

Troisièmement, l’objectif premier des auteurs est d’être lus, cités et reconnus par leurs pairs. Nous avons la conviction que si l’on veut attirer de bons auteurs et de bons rédacteurs invités, on doit pouvoir leur assurer que leurs travaux auront la visibilité qu’ils méritent.

Quatrièmement, nous avons le privilège de bénéficier depuis plusieurs années des subventions de grands organismes subventionnaires (CRSH et FRQSC). Il nous paraissait donc logique de faire bénéficier nos auteurs, qui travaillent tous bénévolement pour la revue, et nos lecteurs de ce soutien financier.

« Nous voulions envoyer le message que Criminologie, malgré ses presque 50 ans, avait su s’adapter aux nouvelles réalités de l’édition savante. »

Enfin, le fonctionnement de la revue dépend essentiellement de ces subventions. Passer au libre accès nous semblait constituer une stratégie efficace pour assurer la pérennité de la revue, cela démontrant aux comités qui nous évaluent que nous innovons et que nous avons le souci de partager le fruit de notre travail. En étant parmi les premières revues plus traditionnelles à faire le grand saut, nous voulions envoyer le message que Criminologie, malgré les 50 ans qu’elle aura en 2018, avait su s’adapter aux nouvelles réalités de l’édition savante.

Des résistances se sont-elles manifestées ?

Au contraire ! le projet a obtenu très rapidement l’aval de toute notre équipe (comité de rédaction et conseil d’administration qui totalisent plus d’une vingtaine de membres) et de ses partenaires (les Presses de l’Université de Montréal et Érudit pour la diffusion numérique). Dès les premières discussions, les Presses de l’Université de Montréal se sont montrées très enthousiastes et nous ont soutenus dans l’ensemble de nos démarches. Ce sont pourtant elles qui étaient le plus affectées par le passage au libre accès puisqu’elles percevaient les redevances de nos abonnements numériques en échange de leurs services d’édition.

Voyez-vous déjà des effets relatifs au passage au libre accès ?

Le passage en libre accès est encore trop récent (janvier 2017) pour que l’on puisse se prononcer sur ses effets, mais nous avons bon espoir d’observer une hausse de la consultation des articles les plus récents. Selon Sarah Cameron-Pesant et ses collaborateurs*, bien que la revue Criminologie connaisse un important taux de téléchargements (une moyenne annuelle de 210 téléchargements par article contre une moyenne 80 pour les autres revues d’Érudit), le nombre de téléchargements des articles l’année de leur diffusion est particulièrement bas. Ceci est contraire à la tendance puisqules téléchargements des articles en sciences humaines connaissent généralement une « croissance soudaine et importante suivie d’un déclin ». Les auteurs suggèrent que le libre accès permettra à Criminologie de rejoindre cette tendance, les articles profitant du plein potentiel de la diffusion de leurs premières heures.

« Si l’on veut attirer de bons auteurs et de bons rédacteurs invités, on doit pouvoir leur assurer que leurs travaux auront la visibilité qu’ils méritent. »

Comment la revue a-t-elle compensé la perte de revenus liés aux abonnements numériques ?

Avant le libre accès, les contenus des deux dernières années (4 numéros) étaient réservés aux abonnés. La fin des abonnements numériques a provoqué une perte qu’on évalue à moins de 8 000 $ par an. Elle a été compensée par une diminution des frais d’Érudit et par une subvention de 3 800 $ accordée par les universités canadiennes aux revues pour les soutenir dans leur transition vers un accès plus libre aux publications. Si notre conversion nous permet de conserver nos subventions de soutien aux revues savantes lors des prochains concours, nous estimons qu’il s’agit d’un pari gagnant.


Quelle est la politique de la revue à propos de l’édition papier ?

Les abonnements papiers ont toujours constitué la plus grande part de nos revenus d’abonnement. Plus de 75 % de nos abonnés sont des institutions canadiennes ou étrangères (bibliothèque, gouvernement, etc.) abonnées à Criminologie depuis plusieurs années, il y a fort à parier que celles-ci conserveront leur abonnement papier. Chaque numéro continue d’être tiré à plus de 300 exemplaires. Un peu plus du tiers sert aux abonnements, les exemplaires restant sont pour partie vendus dans les librairies et pour partie distribués aux partenaires de la revue (auteurs, membres du comité d’administration et du comité de rédaction, etc.), à des organismes ou à des institutions susceptibles d’être intéressées par la thématique abordée par le numéro.

Comme notre objectif avec le passage en libre accès était d’assurer une plus grande visibilité à notre revue, ce changement dans l’abonnement numérique ne remet pas en question l’édition papier. Au contraire, l’édition papier continue d’être pour notre revue, une excellente manière de se faire voir, se faire lire et d’assurer un rayonnement à nos auteurs, à nos responsables de numéro, à nos évaluateurs et à notre grande équipe qui tous travaillent fort à faire avancer les connaissances.

« Notre objectif avec le passage en libre accès était d’assurer une plus grande visibilité à notre revue, ce changement dans l’abonnement numérique ne remet pas en question l’édition papier. »


* Les données sont tirées d’un article à paraître dans le prochain numéro de Criminologie, qui célèbre le 50e anniversaire de notre revue. Les auteurs ont fait une analyse des téléchargements des articles de la revue qui permet de réfléchir à l’usage que l’on fait de la discipline et de ses thématiques.